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La Dame à l'hermine
11 juillet 2007

Santi Sebastiani ou Le Mystérieux pouvoir érotique du hérisson

Parmi les très nombreuses représentations que nous avons de San Sebastiano, il en est quelques unes devant lesquelles je me pâme littéralement (J'y reviendrai). Bien sûr, vous me rappellerez, chers autres, que pour que Pierre et Gilles s'inspirent dudit martyr et en fassent une nouvelle (?) icône homosexuelle, il fallait bien que celui-ci ait un quelconque pouvoir érotique, pouvoir que Pierre et Gilles n'ont assurément pas dévoilé (je n'aime pas Pierre et Gilles).
Mais avant de nous perdre dans la contemplation de ce saint admirable, retraçons très brièvement son martyre :

Soldat modèle s'il en est, élevé dans la foi chrétienne (secrètement donc), Sebastiano s'attacha les bienveillances de l'empereur romain Diocletianus, qu'il servit dans les années euh...280. Or, à la fin du troisième siècle, il est encore de bon ton de traquer du chrétien : notre Sebastiano, favori du grand empereur, se trouva bien embêté. Plus embêté encore fut sans doute le grand Diocletianus, lorsqu'on lui rendit compte du prosélytisme que menait, l'air de rien, son petit protégé auprès des prisonniers : "Hé toi ! ta vie est fichue, n'oublie pas de servir le christiannisme, devient martyr !" leur soufflait-il fièrement.

Saint Ambroise (voir ses Actes) raconte :

"L'empereur le manda et lui dit: «J'ai toujours voulu que, tu occupasses le premier rang parmi les officiers de mon palais, or tu as agi en secret contre mes intérêts, et tu insultes aux dieux. » Sébastien lui répondit : « C'est dans ton intérêt que toujours j'ai honoré J.-C. et c'est pour la conservation de l’empire Romain que toujours j'ai adoré le Dieu qui est dans le ciel. » Alors Dioclétien le fit lier au milieu d'une plaine et ordonna aux archers qu'on le perçât à coups de flèches. Il en fut tellement couvert, qu'il paraissait être comme un hérisson; quand on le crut mort, on se retira. Mais ayant été hors de danger quelques jours après, il vint se placer sur l’escalier, et reprocha durement aux empereurs qui descendaient du palais les maux infligés par eux aux chrétiens. Les empereurs dirent : « N'est-ce pas là Sébastien que nous avons fait périr dernièrement à coups de flèches ? » Sébastien reprit: « Le Seigneur  m’a rendu la vie pour que je pusse venir vous reprocher à vous-mêmes les maux dont vous accablez les chrétiens. » Alors l’empereur le fit fouetter jusqu'à ce qu'il rendît l’esprit; il ordonna de jeter son corps dans le cloaque pour qu'il ne fût pas honoré par les chrétiens comme un martyr. Mais saint Sébastien apparut la nuit suivante à sainte Lucine, lui révéla le lieu où était son corps et lui commanda de l’ensevelir auprès des restes des apôtres: ce qui fut exécuté."

Sebastiano fut donc dénudé, percé de flèches, et de tant de flèches qu'il prit les traits du hérisson, nous dit Saint-Ambroise. De Saint-Ambroise à Pierre et Gilles, que s'est-il passé ? Pouvoir érotique du hérisson ? Sainte Hildegarde, au XIIème siècle, ne semble pas y être sensible :

sebastiano1"Le hérisson est froid, de nature immonde; il mange les fruits de la forêt ctles écorces ; il ressemble un peu au porc, mais l'impureté qui devrait être dans sa chair remonte dans ses luants, et c'est pourquoi il est plus immonde que le porc."(1)
(à gauche, peinture médiévale à Saint-Etienne de Tinée)

Pas franchement de quoi se pâmer. Regardez plutôt le 'San Sebastiano' de Del Biondo (vers 1370, à voir au Musée del Duomo, à Florence).
Fort heureusement et allez, on va dire assez vite, le hérisson perd de son piquant. Chez les Pollaiolo (1475 environ, illustration ci-dessous), on ruse : la scène du martyre est en train de se dérouler : le corps de Sébastien ne porte plus que deux flèches, tandis qu'à la même période (1470), Hans Memling, met en scène l'effeuillement (si si, regardez, la veste et la chemise sont par terre, le pantalon entrouvert sur le bassin !) d'un Sébastien au regard tourné vers nous, pauvres pécheurs !
Un tout petit peu plus tard, c'est à dire en 1490, chez Pietro Vannucci (dit Pérugin) : deux flèches, un corps d'éphèbe, une nudité à peine dissimulée par un savant drapé. En revanche, plus besoin ici de justifier le peu de flèches, Sebastiano est tout à son martyre, la blessure est belle, immaculée, le décor antique ne s'embarrasse plus de ruines ; Dieux ! qu'il est beau ce martyr !

Mais mon Sebastiano à moi est sans conteste celui d'Antonello da Messina, peint aux alentours de 1470 : ce n'est certes pas l'Apollon du Pérugin, il porte le boxer et pas le pagne, a peut-être moins de grâce dans la souffrance, mais que voulez-vous, il saigne et son regard est las.

- Hans Memling, 1470. Musée Royaux des Beaux-Arts (Brussels, Belgium)

memling1


- Antonio e Piero Pollaiolo
Le Martyre de Saint Sébastien                              
1475, National Gallery, Londres.                        

pollaiuolo                                    

- Antonello da Messina
Saint-Sébastien, 1475 (Dresde)

antonello

- Le Pérugin
Saint-Sébastien
(1490-1500). Musée du Louvre (Paris, France)

perugino1

Pour se régaler de représentations du plus sexy de tous les saints, je vous invite à vous promener par là.

(1) Hildegarde de Bingen, Le Livre des subtilités des créatures divines, J. Millon éd., tome 2, p. 202.

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