Puisqu'il faut sans cesse y revenir
Soirée agréable passée avec Paolo et deux ses amies. Au dessert, l'une d'elle, Carole, se met à parler des blogs, de ce qu'ils véhiculent de narcissismes, de complaisances, de nombrilismes... soit, tous les clichés choisis et réducteurs déclinés ça et là depuis que ce support d'expression existe. Je ne conteste pas le glissement remarquable qui s'opère dans la multiplication d'autant d'autofictions, de billets autobiographiques, de points de vue, d'humeurs et autres récits de soi. C'est indéniable, on se montre, on se représente, on se fait entendre, et cela à une échelle rarement atteinte jusqu'ici.
La parole privée s'expose, sort des salons chics, des carnets, des cahiers, des bureaux, des cuisines, des galeries d'art, des cafés du commerce, et se consacre dans l'écrit. Certains aimeraient dire que le blogueur "s'auto-consacre" écrivain, penseur, artiste, expert (oubliant même qu'il y a sur la Toile des blogs d'écrivains, d'artistes, de chercheurs, de politiciens canonisés, mais ce n'est pas à ceux-là qu'on en veut). Mais qui fait sa consécration ?
Complait le blogueur moyen ? Auto-satisfait ? Moi je crois qu'il rêve de s'admirer plus qu'il ne s'admire. La présence des commentaires, forums, et de tous ces espaces de "réaction", leur place dans l'économie de la page Web – même les journaux nationaux s'y mettent –, ne me paraît pas anodine : au delà d'un public loin d'être acquis – il y en a du monde sur la scène, on attend là fébrilement le jugement de Celui qui nous lit, on lui fait lieu, on le convoque, on le supplie de nous dire qu'il a vu, lu, entendu.
Bien sûr tout se montre et tout s'entend et tout se représente, bien sûr, on sait combien ce tout peut être dangereux, et on connaît aussi les débordements du Web. Mais ce n'est pas le reproche que l'on rencontre le plus souvent lorsqu'on entend parler du blog. En condamnant le blog, je crois que c'est le procès de l'internet participatif que l'on fait encore, le procès de cet espace où désormais s'exprime presque sans contrôle, ce blogueur moyen auquel je m'apparente, celui que l'on n'aurait pu lire ailleurs que dans le courrier des lecteurs (toutes publications confondues) ou Brèves de comptoir.